Ce n’est pas l’embouteillage aux échelles à poissons. Pas l’embouteillage de saumons atlantiques, du moins. À l’âge adulte, le migrateur amphihalin – qui passe de l’eau douce à l’eau salée – quitte l’océan où il a nagé une paire d’années pour retrouver l’embouchure de la rivière qui l’a vu naître et la remonter jusqu’à la frayère. Les temps de passage de ce retour aux sources, au sens premier…
Ce n’est pas l’embouteillage aux échelles à poissons. Pas l’embouteillage de saumons atlantiques, du moins. À l’âge adulte, le migrateur amphihalin – qui passe de l’eau douce à l’eau salée – quitte l’océan où il a nagé une paire d’années pour retrouver l’embouchure de la rivière qui l’a vu naître et la remonter jusqu’à la frayère. Les temps de passage de ce retour aux sources, au sens premier du terme, sont variables d’un bassin-versant à l’autre. Généralement, les premiers poissons sont aperçus à la fin de l’hiver, une période où la fraîcheur de l’eau leur sied à merveille. Les retardataires empruntent les mêmes voies jusqu’à la fin juin.
Il est encore trop tôt pour rendre un verdict, mais les effectifs semblent bien maigres. Au 19 juin, l’association Migado recensait 36 saumons au barrage de Tuilières, en amont de Bergerac, sur la Dordogne. Elle gère et soutient les populations de migrateurs sur la Garonne, la Dordogne, la Charente et la Seudre.
« Jusqu’à présent, c’est une très mauvaise année. La migration a très bien marché en 2020, un peu moins en 2021 et en 2022, mais rien à voir avec ce que l’on observe en ce moment. Le saumon a été réintroduit à la fin des années 1980. Si l’on enlève les années qui ont suivi, quand il était encore rare, on n’a quasiment plus vu une année à moins de 200 poissons », commente Pascal Verdeyroux, le chargé de mission poissons d’Epidor, l’établissement public territorial du bassin de la Dordogne.
Des problèmes en mer ?
Du côté de Migradour, qui surveille les effectifs sur l’Adour, les gaves pyrénéens et la Nivelle, on espère encore. « Le gros de la migration des saumons a lieu en juin chez nous, on ne tire pas de conclusions avant l’été, mais on n’est pas parti pour une grande année », confirme Guillaume Barranco, son directeur. Celui-ci n’est pas franchement surpris. Sur son bassin-versant, une deuxième salve se produit plus tard dans l’été, celle des saumons castillons âgés d’un an. Les bons reproducteurs du printemps sont les castillons de l’année précédente. « Et 2022 correspond à la pire année pour les castillons, c’est cohérent », soupire-t-il.
On pourrait penser à des conditions hydrologiques défavorables sur quelques cours d’eau. Mais le constat s’étend à toute la façade océanique. « Il y a probablement des problèmes en mer, dans la productivité des crevettes dont les saumons se nourrissent au Groenland ou dans les courants marins », s’interroge Aurore Baisez, la directrice de Logrami, l’association qui œuvre pour les grands migrateurs sur le bassin de la Loire. Là aussi, sur la Vienne, la Gartempe ou l’Allier, le poisson est invisible. « Chez nous, c’est la double peine, avec des étiages très sévères depuis cinq ans. L’eau de la Loire est montée jusqu’à 28 °C, ce qui devient très compliqué pour les saumons, même s’ils sont robustes et intelligents », poursuit-elle.
Plus au sud, Guillaume Barranco s’inquiète. « C’est une espèce en difficulté. Les effectifs sont déjà très faibles sur la zone Garonne/Dordogne. Une mauvaise année peut avoir des conséquences importantes », craint-il.