L’urbanisation, le développement du réseau routier et tous les aménagements liés en grande partie au développement des territoires conduisent à une artificialisation des sols qui menace la biodiversité et favorise le réchauffement climatique. Pour inverser la tendance, le gouvernement se fixe un objectif : « Zéro artificialisation nette » à l’échéance 2050.
Définition et conséquences de l’artificialisation des sols
L’artificialisation des sols est la transformation des sols naturels, forestiers ou agricoles par l’urbanisation et le développement des infrastructures. Habitat, activités industrielles et économiques, réseau routier, parkings, équipements sportifs, chantiers… le développement des constructions et la bétonisation galopante des espaces qui altèrent les qualités écologiques des sols, notamment en les rendant imperméables, ont des répercussions dramatiques sur l’environnement et la biodiversité :
- Perte de biodiversité par la modification ou la destruction des habitats des espèces animales ou végétales ;
- Réchauffement climatique par l’extension des surfaces incapables d’absorber le CO2 ;
- Augmentation des phénomènes de ruissèlement (avec érosion des sols) et des risques d’inondations par l’extension des surfaces incapables d’absorber l’eau de pluie ;
- Pollution des eaux consécutives à l’amplification des ruissellements (les eaux se chargeant d’hydrocarbures, de métaux lourds, d’engrais et de produits phytosanitaires…) ;
- Diminution de la superficie des sols fertiles destinés à nous nourrir ;
- Augmentation des dépenses et des nuisances (pollutions sonores, lumineuses, de l’air, de l’eau) liées à l’entretien et à la fonctionnalité des nouveaux espaces artificialisés (accès routiers, autoroutes, électricité, assainissement)…
État des lieux de l’artificialisation des sols, en France
La notion d’artificialisation des sols et les moyens de la comptabiliser ont évolué au fils des ans. Aussi, il est difficile d’avoir des chiffres précis sur son développement ces 20 dernières années. Alors que le Bureau des statistiques structurelles, environnementales et forestières* évoquait une augmentation moyenne annuelle des surfaces artificialisées de 57 600 hectares entre 1982 et 2018, une publication de décembre 2022, sur le site internet du Ministère de l’Écologie, mentionne une progression située entre 20 000 et 30 000 hectares, qui se ferait essentiellement au détriment des terres agricoles.
Mais quelles que soient les sources, la tendance s’affiche clairement : en France, l’artificialisation est supérieure à la moyenne européenne et elle augmente 3 à 4 fois plus rapidement que la population. Les deux principaux facteurs d’artificialisation pointés du doigt : l’habitat individuel et le réseau routier.
L’objectif « Zéro Artificialisation Nette »
En 2018, pour lutter contre l’artificialisation des sols, le gouvernement annonce dans son Plan biodiversité, l’objectif « zéro artificialisation nette » (ou ZAN), objectif repris par la suite, dans la loi Climat de 2021, avec une échéance portée à 2050.
Atteindre l’objectif « zéro artificialisation nette », signifie que les territoires (communes, départements, régions) doivent tout mettre en œuvre pour limiter le plus possible l’artificialisation de nouveaux espaces ou, lorsqu’il n’y a pas d’alternative, de « rendre à la nature » l’équivalent des superficies artificialisées, documents d’urbanismes modifiés (PLU et PLUi) à l’appui.
Pour atteindre cet objectif principal, un objectif intermédiaire doit être atteint en 2030 : « la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale [doit être] inférieure à la moitié de celle observée sur les dix [dernières] années », ce qui revient à dire qu’elle doit être inférieure à 121 568 hectares, selon les données de l’Observatoire national de l’artificialisation.*
Les réactions sur le terrain
Comme bien souvent, les objectifs gouvernementaux engendrent des réactions vives et des voix discordantes se font entendre.
D’une part, celles de diverses associations environnementales qui s’inquiètent :
- De la lenteur des processus de modification des PLU et des failles possibles dans le système pour contourner la loi ;
- De la notion de compensation : non seulement les processus de renaturation ou de création d’un sol agricole demandent du temps et ont un coût financier, mais en plus, l’expérience semble montrer que lorsque des porteurs de projets doivent compenser les destructions causées par leurs aménagements en restaurant de la biodiversité par ailleurs, les compensations sont souvent insuffisantes ;
- Des objectifs comptables, qui peuvent compromettre l’enjeu majeur de préservation de la biodiversité, en ne tenant pas compte, par exemple, des notions plus complexes comme les corridors écologiques et les réservoirs de biodiversité. « Par exemple, un grand bâtiment entouré d’espaces verts gérés en faveur de la biodiversité serait considéré comme moins artificialisant qu’un bâtiment plus petit construit au sein d’un corridor écologique et entouré d’espaces verts gérés intensivement, avec des tontes rases et régulières. »** ;
- Que toutes les surfaces agricoles soient considérées comme non artificialisées, alors que certains modèles agricoles sont loin de préserver la biodiversité et l’environnement.
De l’autre côté, des élus locaux, notamment en milieu rural, sur lesquels reposent le dynamisme et l’avenir économique de leur territoire. Réduire la superficie des zones constructibles à destination de l’habitat individuel, des zones d’activités ou des infrastructures de désenclavement est une pilule difficile à avaler. Beaucoup de questions se posent : quels seront les moyens techniques et financiers mis à leur disposition pour contrebalancer la pente vertigineuse qui amène les centres-villes à se vider au profit d’une extension de la périphérie destinée à accueillir les zones commerciales et pavillonnaires ? Comment sera fait l’arbitrage qui permettra d’éviter que toutes les possibilités de construire soient réservées aux seules agglomérations ?
Face aux contestations, le gouvernement a déjà fait quelques marches arrière par rapport à ses objectifs initiaux, par exemple en évoquant la possibilité de sortir des comptages régionaux les projets d’envergure nationale (la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse…). Des rétropédalages qui alimentent le flou qui entoure la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette », ralentissant les actions concrètes sur le terrain. En attendant, l’artificialisation des sols continue d’avancer à grands pas.
*Pour évaluer, chaque année, la « consommation d’espace », le gouvernement a mis en place, en mai 2019, un Observatoire national de l’artificialisation, dont les données sont mises à disposition des collectivités locales et des citoyens.
** Brian Padilla, écologue et ingénieur recherche au Muséum national d’histoire naturelle.
Sources : www.ecologie.gouv.fr / www.strategie.gouv.fr / www.observatoire-des-territoires.gouv.fr / artificialisation.developpement-durable.gouv.fr / reporterre.net / Les dossiers . Avril 2021 N°3 « L’occupation du sol entre 1982 et 2018 » – agreste (La statistique, l’évaluation et la prospective du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation).