Le pape François, arrivé vendredi en Hongrie pour une visite de trois jours, a appelé à « retrouver l’âme européenne » face à « l’infantilisme belliqueux » sur fond de montée des nationalismes et de guerre en Ukraine. Dans les rues de la capitale, placée sous haute sécurité, le jésuite argentin, 86 ans, a été accueilli par des habitants agitant des drapeaux de la Hongrie et du Vatican.
Dans son premier discours prononcé dans ce pays d’Europe centrale frontalier de l’Ukraine, le pape a déploré « le triste déclin du rêve choral de paix, tandis que les solistes de la guerre prennent la place ». « Les nationalismes recommencent à gronder », a-t-il souligné, jugeant que la politique internationale « régresse vers une sorte d’infantilisme belliqueux ». « Il est donc essentiel de retrouver l’âme européenne », a insisté le souverain pontife.
Exception au sein de l’Union européenne, la Hongrie n’a pas coupé ses liens avec le Kremlin: le Premier ministre Viktor Orban se garde de critiquer le président russe et refuse d’envoyer des armes à Kiev. De son côté, le pape condamne l’« agression » de l’Ukraine « martyrisée » mais le Saint-Siège tente de maintenir tant bien que mal un dialogue avec Moscou, bien que sa tentative de médiation n’ait pas abouti jusqu’ici.
« Colonisations idéologiques »
Quelques minutes plus tôt, François s’est entretenu avec Viktor Orban pendant une vingtaine de minutes, une rencontre à huis clos au cours de laquelle le Premier ministre a insisté sur la chrétienté « vectrice de paix ».
Pour le président hongrois de 59 ans, qui a à coeur de promouvoir la « civilisation chrétienne », la venue du pape deux ans à peine après une escale de sept heures à Budapest apparaît comme un succès diplomatique.
Dans ce pays de 9,7 millions d’habitants, dont quelque 39% de catholiques selon les derniers chiffres datant de 2011, Viktor Orban et ses partisans sont soucieux de mettre en avant les points communs avec le chef de l’Eglise catholique, au-delà des divergences.
Dans son discours, le pape a aussi salué les valeurs chrétiennes traditionnelles portées par le gouvernement hongrois, notamment à travers ses « politiques efficaces pour la natalité et la famille ». Il a fustigé au passage les « colonisations idéologiques qui éliminent les différences, comme dans le cas de ladite culture du genre » et l’« échec tragique » de l’avortement.
Une rencontre avec des réfugiés ukrainiens
Fervent défenseur des droits des réfugiés, Jorge Bergoglio a toutefois rappelé à la Hongrie son devoir d’accueil envers les migrants, insistant sur la « nécessité d’ouverture aux autres » face à « la rigidité », aux « fermetures » et à la tendance au « repli ». La Hongrie a érigé des clôtures à ses frontières et restreint le dépôt des demandes d’asile aux ambassades à l’étranger, s’attirant plusieurs condamnations de la Cour de justice de l’UE.
Dans l’après-midi, le pape a rencontré le clergé local, en présence de quelque 5 000 personnes réunies dans une ambiance de recueillement à la basilique Saint-Etienne et sur son parvis, où des écrans géants avaient été installés.
Conscient des enjeux diplomatiques de cette visite très attendue, François a pris soin de se présenter en « ami et frère de tous », tandis que les autorités ont insisté sur le caractère spirituel de cette visite, assurant qu’il ne s’agissait pas d’un « évènement politique ».
Pour son 41e voyage international depuis son élection en 2013, il rencontrera samedi des réfugiés – dont des Ukrainiens – des personnes pauvres et des jeunes, et présidera dimanche une messe en plein air.
Malgré son âge avancé et ses douleurs au genou l’obligeant à se déplacer avec une canne ou en fauteuil roulant, le chef de l’Eglise catholique continue de voyager. Il est le deuxième pape à se rendre en Hongrie, après les visites de Jean Paul II en 1991 et 1996.