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La diplomatie du panda, « c’est avant tout du business »

Un pelage touffu, des yeux cerclés de noir et une charmante tendance à faire des roulades… Avec leur robe noire et blanche, les pandas géants ont conquis le cœur du monde entier, tout en restant exclusivement la propriété et le symbole de la Chine. Ce mardi, Yuan Meng, le premier de ces plantigrades à naître dans l’Hexagone, s’envole pour l’Empire du milieu. Les 120 kg de ce panda, baptisé par la Première dame Brigitte Macron en 2017, ne pèsent pourtant pas lourd dans un système bien huilé qu’on surnomme « la diplomatie des pandas ».

« Les pandas font partie des modalités de la diplomatie chinoise depuis longtemps », souligne Emmanuel Véron, spécialiste de la Chine contemporaine et enseignant-chercheur associé à l’Inalco. « On retrouve des traces historiques de cadeaux de peaux de pandas notamment, qui remontent à la période Tang [618-907] puis le Parti communiste chinois a perpétué la tradition », retrace-t-il. Les ursidés s’inscrivent en réalité dans un rite diplomatique bien connu : les cadeaux d’animaux. « C’est une tradition héritée d’une époque ancienne et c’est souvent encombrant », note Jean-Vincent Brisset, chercheur associé à l’Iris, spécialiste de la Chine.

Du chameau en tajine à la location de pandas

Qu’il s’agisse d’un chien, comme le berger d’Asie centrale offert par le Turkménistan à Vladimir Poutine en 2017 pour son anniversaire ou des « chevaux de course, cadeaux courants dans le monde arabe », comme le rappelle Jean-Vincent Brisset, ce sont souvent des transactions délicates. Il est difficile de les refuser sans offenser le pays donateur et, au contraire, très aisé de frôler l’incident diplomatique. En 2013, le Mali a offert un chameau à François Hollande qui a décidé de le laisser sur place à une famille qui l’a finalement… Mangé en tajine. Provoquant l’embarras des autorités maliennes qui se sont empressées de renvoyer un chameau « plus gros et plus beau » à Paris.

« Le bestiaire est un sujet diplomatique qui n’est pas que chinois mais la diplomatie des pandas est typiquement chinoise », décrypte Emmanuel Véron. D’ailleurs, si les pandas s’inscrivent partiellement dans cette tradition de don d’êtres vivants à des personnalités de pouvoir, ils ne sont en réalité pas offerts. La Chine a cessé de donner en cadeau ces mangeurs de bambous en 1984. Depuis cette date, les ursidés, considérés comme un « trésor national » ne sont que « prêtés ».

Un « business » enrobé « dans de la diplomatie »

« Le pays d’accueil paye tous les ans, c’est le coût diplomatique », rappelle Emmanuel Véron. Ainsi, l’accueil de deux pandas géants au zoo de Beauval coûte 800.000 euros par an. A cela s’ajoute la logistique, les campagnes de marketing, l’entretien de l’animal ou encore la nourriture – substantielle quand on sait qu’un panda mange jusqu’à 30 kg de bambous par jour. Ces derniers doivent d’ailleurs « venir d’une entreprise chinoise spécialisée », explique Jean-Vincent Brisset. « C’est mercantile. Les pandas géants ne sont pas des cadeaux diplomatiques, c’est avant tout du business », affirme-t-il.

Un business où le rapport de force est clairement établi. « On peut presque parler de chantage au panda. Si vous refusez, les Chinois vont montrer leur mécontentement. Si vous acceptez, vous avez intérêt à mettre le paquet pour que le panda n’attrape pas une pathologie et meure ! », illustre Emmanuel Véron. Preuve en est, le retour de Yaya, un panda géant prêté en 2003 aux Etats-Unis par Pékin a été extrêmement commenté sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes faisant un parallèle entre la maladie de peau de l’animal et les relations en berne entre les deux pays. Preuve de l’amour de Pékin pour cet ursidé monochrome, tuer un panda a été passible de la peine de mort jusqu’en 2010.

Un animal totem « fabriqué »

Environ 1.900 pandas géants vivent à l’état sauvage dans le monde, tous regroupés en Chine qui dispose ainsi d’un « monopole du panda ». Fort de ce privilège, Pékin « enrobe son business dans de la diplomatie », lance Jean-Vincent Brisset qui ajoute que « la diplomatie du panda est bien plus médiatique qu’une réalité diplomatique tangible ». « Fondamentalement, ça ne change rien », abonde Emmanuel Véron, « c’est symbolique et, éventuellement, un indicateur des relations entre les deux pays ». Un symbole dont jouit allègrement Pékin et qui s’est construit au fil des ans.

Le symbole du panda comme animal totem de la Chine a été « fabriqué », décrypte toutefois Jean-Vincent Brisset. Le panda est même devenu l’emblème de la lutte contre la disparition des espèces. L’association WWF a « largement contribué à l’image du panda » notamment en installant des tirelires en forme de panda dans les aéroports pour la conservation des animaux, note l’expert de la Chine. Et, justement, une vingtaine de pays ont cassé leur tirelire pour louer ces mangeurs de bambous.

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