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Photo d’illustration de l’artiste suisse Miriam Cahn, au musée Gegenwartskunst à Siegen, en Allemagne, le 24 juin 2022.
CULTURE – L’œuvre avait été accusée de montrer une scène de pédocriminalité. Le tableau Fuck Abstraction de Miriam Cahn, exposé au Palais de Tokyo à Paris depuis la mi-février, a été la cible d’une dégradation ce dimanche 7 mai, selon les informations de franceinfo confirmées par l’AFP. Un homme, vraisemblablement âgé, a aspergé la toile à l’aide d’une peinture bordeaux dissimulée dans une bouteille de médicaments.
À 15 h 30, un homme « a dégradé volontairement » cette œuvre « en y projetant de la peinture » mauve, malgré un « dispositif de médiation et de sécurité », a indiqué le musée à l’AFP. L’homme, une « personne âgée » selon une source proche du dossier, était « mécontent de la mise en scène sexuelle d’un enfant et d’un adulte représenté selon lui sur ce tableau » mais il ne fait pas partie d’un groupe activiste. À la différence d’actions de dégradations d’œuvres d’art passées, cette dernière n’a pas été revendiquée pour le moment.

Il « a été immédiatement appréhendé par les agents de sécurité (…) et emmené par la police », ajoute le centre d’art contemporain qui « portera plainte pour dégradation de bien et entrave à la liberté d’expression ». « On a fermé la salle au public en attendant de voir les suites à donner au devenir de l’œuvre, en concertation avec l’artiste », a précisé le Palais de Tokyo à franceinfo.
« Une attaque directe contre la liberté d’expression »
Intitulée « Fuck abstraction ! », l’œuvre représente une personne aux mains liées, contrainte à une fellation par un homme puissant sans visage. Pour ses détracteurs, la victime est un enfant, ce que dément l’artiste, invoquant la représentation du viol comme arme de guerre et crime contre l’humanité.
Les associations Juristes pour l’enfance, l’Enfance en partage, Face à l’inceste et Innocence en danger, considérant le tableau pédopornographique, réclamaient son décrochage mais ont été déboutées au printemps par le tribunal administratif de Paris puis par le Conseil d’État.

La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a rappelé que la justice avait « confirmé que ce tableau, tel que mis en contexte, pouvait être présenté au public », dans une déclaration transmise à l’AFP après s’être rendue sur place. Cette dégradation « est une attaque directe contre la liberté d’expression, ce qui est assez grave », a-t-elle jugé. « Ces œuvres sont certes très dures à regarder, mais partent d’une intention qui est de dénoncer les horreurs de la guerre », a-t-elle poursuivi, comme le rapporte franceinfo.
« Le Rassemblement National a instrumentalisé ce tableau pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes », a affirmé la ministre qui avait été interpellée sur le sujet en mars par la députée RN Caroline Parmentier. « Sans cette instrumentalisation par le RN, nous n’en serions certainement pas arrivés là », a-t-elle estimé.
Au Palais de Tokyo je dénonce ce tableau de Miriam Cahn qui présente aux yeux de tous une scène de pédocriminalité.… https://t.co/aoyvYXl8Fq
— Caroline Parmentier (@Parmentier_RN)
Le tableau restera accroché « avec les traces de la dégradation »
« Nous regrettons les conséquences extrêmes de cette polémique », a pour sa part déclaré Guillaume Désanges, président du Palais de Tokyo, soucieux de « soutenir l’art (…) avec enthousiasme, conscience et responsabilité envers tous les publics ». « En accord avec l’artiste, le Palais de Tokyo continuera à présenter le tableau et l’exposition » qui a attiré 80 000 visiteurs, « avec les traces de la dégradation jusqu’à la fin prévue de la saison, le 14 mai », précise le communiqué.

Contactée par l’AFP, l’association Juristes pour l’enfance a indiqué découvrir cette dégradation. « Juristes pour l’enfance et les autres associations (ont) agi comme nous le faisons toujours, en saisissant la justice, en écrivant aux responsables et en informant l’opinion », a-t-elle déclaré.
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