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Et enfin un bonus de 7.500 dollars aux ménages pour l’achat de ces voitures made in USA, même si les critères pour en bénéficier à plein sont restrictifs: ils dépendent des revenus de l’acheteur et du prix du véhicule et, surtout, exigent au moins 50% de composants produits sur place et 40% des matières premières de la batterie extraites ou raffinées en Amérique du Nord (aujourd’hui, la Chine fournit 80% de la demande mondiale de ces minerais). Du coup, “60% des 91 modèles électriques disponibles sur le marché sont inéligibles”, relève John Bozzella, directeur du lobby américain de l’industrie auto.
Un package quasi irrésistible
Reste que, pour les industriels, le “package” est quasi irrésistible, valable sur dix ans… et aussi pour les véhicules et batteries produits au Mexique et au Canada, bénéficiant d’un accord de libre-échange. De quoi booster les constructeurs locaux mais aussi attirer les asiatiques et européens pour s’installer outre-Atlantique. Depuis le vote de l’IRA en août dernier, 52 milliards d’investissements ont été annoncés. Ford a dévoilé un méga-campus dans le Tennessee, plus deux usines de batteries dans le Kentucky. Honda et LG Energy vont bâtir une usine de batteries dans l’Ohio. LG va aussi construire une gigafactory en Arizona. BMW veut agrandir ses usines de Caroline du Sud et son site au Mexique.
De quoi mettre sous tension les autorités européennes qui voient dans ces giga-aides une menace. A raison. Tesla a gelé ses investissements à Berlin mais injecte 3,6 milliards de dollars pour agrandir son usine du Nevada et va construire un nouveau site au Mexique, pour 5 milliards. Volkswagen envisage de “mettre sur pause” une gigafactory de batteries prévue en Europe de l’Est, et vient d’en annoncer une future au Canada. Ses dirigeants ont indiqué que, en additionnant les subventions de l’IRA et autres dispositifs, ils pourraient engranger 10 milliards d’euros d’aides sur la durée de vie d’une gigafactory implantée outre-Atlantique. µ
Déjà, le constructeur allemand a obtenu 1,3 milliard de dollars de subventions pour sa future usine à 2 milliards en Caroline du Sud destinée à faire revivre les SUV Scout en version électrique. “VW progresse beaucoup plus vite dans ses projets en Amérique du Nord qu’en Europe”, a averti sur LinkedIn Thomas Schmall, chef de l’unité des composants, et l’Europe risque de perdre “des milliards d’investissements qui seront décidés dans les mois à venir”.
SUV Scout. VW a obtenu 1,3 milliard pour l\’usine de Caroline du Sud qui le fera revivre en version électrique. Crédit: Lars O Saeltzer/Instagram
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De même, le fabricant de batteries suédois Northvolt évalue à 70% du coût de l’investissement le cadeau américain s’il choisissait de construire sa prochaine usine géante là-bas plutôt qu’en Allemagne.
L’association Transport et Environnement estime que, sur la trentaine de gigafactories qui doivent pousser sur le sol européen d’ici à 2030, les deux tiers des projets risquent d’être abandonnés, repoussés ou réduits à cause de l’attractivité de l’IRA, rehaussée par un prix de l’énergie bien moins cher.
L’Europe en retard
Dans la bataille, l’Europe ne joue pas à armes égales. Certes, les pays européens subventionnent aussi massivement l’automobile verte et Bruxelles a décidé de laisser les Etats ouvrir les vannes des aides et de mobiliser des fonds européens non encore utilisés. Mais “les incitations à acheter des véhicules zéro émission dans l’Union diminuent”, regrette Luca de Meo, le patron de Renault, aussi président du lobby des constructeurs européens. Et les aides restent nationales, lentes et complexes face à l’accès simple aux financements de l’IRA… qui ne sont en fait pas plafonnés. “Il n’y a pas de raison de s’alarmer, affirme cependant François Gatineau, consultant à Mo-bileese. Les Européens vont s’entendre pour ériger des barrières douanières en réponse aux mesures protectionnistes de l’IRA.”
L’Union voudrait surtout un accord comme celui des constructeurs japonais, qui ont obtenu que leurs voitures composées de métaux extraits ou transformés au Japon soient elles aussi éligibles sur place au crédit d’impôt de 7.500 dollars.