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Les médecins s’en fichent de votre IMC

Vous aussi, en cachette ou avec vos copines, vous avez déjà tapé la fameuse formule qui divise votre poids par votre taille au carré? Sans merci, votre indice de masse corporelle (IMC) vous affectait à un échelon censé vous indiquer votre corpulence et, par là même, votre état de santé: «maigreur», «normal», «surpoids», «obésité»… Pour arriver dans la case «normal», la piste d’atterrissage est courte.

Laissez tomber: les médecins ne s’y rapportent (presque) plus, assurent des professeurs de médecine dans The Conversation. Au début du mois de juin, l’American Medical Association (AMA) a notamment mis en garde les professionnels de santé contre l’utilisation unique de l’IMC dans leurs consultations. De la même manière, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), en Angleterre, apportait en 2022 des modifications quant aux consignes sur le traitement de l’obésité, en recommandant que le rapport taille-hanches soit utilisé, en plus de l’IMC.

Créé en 1832, l’indice de masse corporelle n’avait en outre pas l’ambition d’étudier la santé d’un individu, mais plutôt d’une population en moyenne. The Conversation rappelle pourquoi cet outil de mesure n’est pas adapté à des diagnostics individuels.

Un instrument incomplet et européano-centré

Tout d’abord, l’IMC ne tient pas compte de la composition corporelle, c’est-à-dire de la proportion de graisse, de muscles et d’os d’une personne. Or, c’est bien l’excès de graisse qui représente un risque pour la santé, et les personnes musclées peuvent se voir attribuer un IMC élevé, donc synonyme de mauvaise santé, quand bien même leur taux de graisse est faible.

L’IMC ne donne pas non plus à voir où se trouve la graisse. C’est pourtant une donnée essentielle, puisque que la graisse présente des risques plus ou moins importants selon qu’elle se trouve sous la peau, dans les jambes, ou dans le ventre, menaçant d’entourer des organes vitaux comme le foie ou le cœur. On ne peut donc pas inquiéter deux personnes sur leur santé de la même manière, selon que la graisse s’accumule dans les cuisses ou dans le ventre, sur la seule base d’un même IMC. C’est le cas par exemple entre les hommes et les femmes, qui stockent les graisses différemment.

Autre problème majeur de l’IMC: son calcul élaboré à partir des caractéristiques d’une population blanche, ce qui rend l’outil de mesure inapproprié pour d’autres ethnies. Les populations d’Asie du Sud, par exemple, sont exposées aux problèmes de santé liés à l’obésité (tels que le diabète de type 2) avec un IMC pourtant inférieur à celui d’une personne blanche occidentale. Cette discordance a certes mené au développement de plusieurs IMC, spécifiques à l’origine ethnique, mais ces mesures ne sont pas appliquées partout.

Simple, l’IMC a toujours été un outil efficace pour permettre aux scientifiques d’étudier le poids corporel de larges populations sur de longues périodes. Au niveau individuel en revanche, l’IMC tout seul n’est pas pertinent pour diagnostiquer une pathologie chez un patient. C’est pourquoi l’AMA et le NICE recommandent d’utiliser d’autres instruments en complément, comme le tour de taille et le rapport taille-hanches, qui permet d’avoir une meilleure idée de l’endroit où la graisse est stockée.

En accordant moins d’importance à l’IMC et en s’intéressant à d’autres aspects de la santé, les patients reçoivent non seulement de meilleurs soins, mais cela contribue également à la lutte contre la stigmatisation liée au poids. Une stigmatisation que de nombreuses personnes appréhendent et subissent encore lors de leurs consultations médicales.



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