Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d’autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Les porte-avions sont-ils faciles à cibler?»
La réponse de Jean-Pierre Deslandes:
Un porte-avions, c’est super lourd, pas si rapide, et visible à des kilomètres à la ronde. Puisque ces navires ne sont pas furtifs, il suffit de viser? Une bonne grosse torpille sous la ligne de flottaison et c’est jackpot?
Eh non, ce n’est pas si simple que ça. Vous pensez bien qu’on ne va pas laisser un navire à plusieurs milliards d’euros, un concentré de technologie classifiée équipé des armes les plus destructrices (des missiles air-sol moyenne portée –ASMP– portés par des Rafale), sans protection, au milieu de l’océan, prêt à se faire descendre par le premier sous-marin diesel venu de Corée du Nord.
Un porte-avions, c’est compliqué à couler. Déjà, c’est quand même assez gros, et en plus, ça ne navigue jamais seul, mais au sein d’un «groupe aéronaval» (GAN). En France, un GAN, ça ressemble à ça:
1. Jour-J 🛳 Le porte-avions Charles de Gaulle et son groupe aéronaval repartent en mission ! Dans le cadre de l’opération CLEMENCEAU 22, ils seront déployés plusieurs mois en mer Méditerranée. Plus d’explications ⤵️ pic.twitter.com/VZJxYIBRnm
— Hervé Grandjean (@HerveGrandjean) February 1, 2022
Bon, là, les bateaux naviguent les uns à côté des autres pour la photo, mais en opération, ils sont espacés de plusieurs dizaines de kilomètres. Pour résumer, le groupe est généralement composé comme suit:
2. 1200 marins, >20 Rafale, 2 avions de surveillance et 3 hélicoptères seront à bord du porte-avions.
Le Charles de Gaulle sera escorté par un groupe aéronaval composé de 3 frégates, d’un bâtiment ravitailleur et d’un sous-marin nucléaire d’attaque. pic.twitter.com/YwHx91aPPL
— Hervé Grandjean (@HerveGrandjean) February 1, 2022
Pour la protection antiaérienne, on retrouve la plupart du temps une frégate de défense aérienne (les classe Horizon) et une frégate multi-missions à capacité de défense aérienne renforcée, connue sous l’acronyme Fremm-DA. Ces bâtiments sont équipés de radars et de missiles d’interception de type Aster. Pour la défense contre les sous-marins, on a au moins un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) –la classe Rubis est progressivement remplacée par la classe Suffren–, et une Fremm dite «classique».
Avec tout ça, si vous essayez de détruire le porte-avions, il y a de fortes chances que votre munition soit détruite avant même d’être en vue de la cible. De plus, même si, par un pur coup de bol, tous ces navires d’escorte étaient hors d’état de combattre, le porte-avions est aussi équipé de ses propres équipements de défense (missiles Aster et mitrailleuses lourdes) et de détection (radar embarqué et avion de reconnaissance radar Hawkeye).
Si vous avez peut-être une chance de cibler un porte-avions, la probabilité de l’atteindre est donc très faible. Entre la bulle de défense de plusieurs centaines de kilomètres carrés créée par les navires qui forment le groupe aéronaval et les protections rapprochées propres au porte-avions, à moins d’envoyer des dizaines de missiles de croisière dernière génération (histoire d’être sûr qu’il y en ait au moins un qui l’atteigne) ou de vous approcher assez près avec un sous-marin d’attaque bien silencieux sans vous faire repérer, ce sera très compliqué.
PS: J’ai pris en exemple le groupe aéronaval français, mais les américains sont probablement encore plus fournis, même s’il semble qu’il y ait parfois des trous dans la raquette. Sans rancune, les cow-boys.