L’Irlande ne s’arrête pas en si bon chemin. La balade contre la Roumanie (82-8) lors de la première journée a beau avoir confirmé le rang de prétendant au titre des chelemards 2023, leur deuxième match contre les Tonga est bien la montée crescendo en puissance que le calendrier de ce groupe B de la mort semblait indiquer. Les Irlandais ont envoyé une équipe très solide alors que les attendent encore les duels contre l’Ecosse et l’Afrique du Sud, les deux théoriques plus gros morceaux de cette première phase. A l’inverse ou presque de la tendance dans ce début de Mondial.
Neuf changements pour les Blacks après la défaite néo-zélandaise contre les Bleus. Treize rotations galloises après le court succès contre les Fidji. A peine un de moins dans le XV titulaire de Fabien Galthié entre le sommet de la première journée et l’affrontement face à l’Uruguay jeudi soir. Dans une compétition aussi longue et dense qu’une Coupe du monde de rugby, les précautions sont de mise pour les matches dits “faciles”. Le sélectionneur Andy Ferrell ne voit pourtant pas les Tongiens sous cet angle.
Plutôt que de renouveler le XV de rotation aligné lors du précédent match, l’Irlande compte sur une formation très solide, bien plus une version A’ que B de son armada. Parce que la profondeur et la richesse de son groupe lui permet. Mais aussi par souci de ne surtout pas sous-estimer l’enjeu et éviter les mauvaises surprises. “Respecter l’opposition est absolument au premier rang de nos pensées, a insisté Ferrell en conférence de presse. Respecter la compétition, mais surtout nous respecter nous-même.”
“Construire notre dynamique au fil du Mondial”
Cela signifie aligner la charnière la plus expérimentée de la connaissance avec Conor Murray de retour aux côtés de Johnny Sexton, ou encore de faire débuter le meilleur joueur de la saison 2022 Josh Van der Flier en troisième ligne. Avant de se farcir l’Ecosse, puis l’Afrique du Sud lors des deux rencontres suivantes, l’heure n’est pourtant pas à la précaution – Sexton sort pourtant d’une opération du quadriceps au printemps – mais à la performance.
“Il y a toujours la tentation de faire tourner, a admis Ferrell. Mais au bout du compte, c’est ce qui est bon pour l’équipe, de trouver la forme, alors que cette équipe de la semaine dernière n’avait pas joué ensemble. On se doit d’enchaîner. […] Vous donnez à vos joueurs un soi-disant repos… Robbie Henshaw a participé au Captain’s Run la semaine dernière mais n’a finalement pas pu jouer. Vous avez des gars qui se blessent à l’entraînement pour tout le reste de la compétition, alors peut-être que des joueurs mis au repos ce week-end pourraient être malades la suivante… Alors on doit faire avec ce que l’on a, une équipe bonne et en forme, et construire notre dynamique au fil du Mondial.”
Au mauvais souvenir des Samoa
Celle-ci est partie sur de solides bases offensives contre les Roumains. Mais le premier essai du match inscrit par les “Chênes” des Carpates a été “comme un message qui nous a bien réveillés : bienvenue à la Coupe du monde 2023“, clame le flanker Peter O’Mahony. “Vous savez, encore une fois, je sais que c’est un cliché et que vous l’avez tous déjà entendu. Mais nous ne voyons pas plus loin que samedi, a assuré pour sa part Keith Earls. Ce sera un match très physique, nous devrons être très actifs en défense. Les Tonga ont de très bons athlètes, j’ai joué avec Malakai Fekitoa pendant une saison au Munster et je sais ce qu’il est capable de faire. Nous savons donc que nous devons être à la hauteur, sinon nous serons punis.”
L’Irlande a déjà payé pour voir, et pour souffrir. Contre un autre solide morceau du Pacifique, les Samoa, en préparation, elle ne s’en est sortie que par un trou de souris (17-13), se faisant sérieusement bousculer au combat. “Il y a beaucoup de similitudes avec le genre de joueurs que nous avons affrontés, avançait d’ailleurs Andy Ferrell jeudi. Nous devons passer un niveau dans ce domaine, car nous savons que les Tonga veulent en profiter pour lancer leur compétition de la meilleure des manières.” Avec leur première ligne à 387 kilos sur la balance, le test ne se fera pas dans la demi-mesure.
Même le possible record de points de l’histoire de la sélection de Johnny Sexton, qui n’a plus besoin que de dix points pour effacer Ronan O’Gara, passe au second plan. “Ce sera un moment particulier sur le plan individuel, mais ça n’intéresse personne d’autre, garantit l’ouvreur. Je ne prendrai pas des décisions en ayant ça en tête. Je veux gagner le match, avancer dans la compétition. C’est la seule chose que j’ai à l’esprit en ce moment.” La “petite” histoire du rugby irlandais peut bien attendre la grande, celle avec un premier trophée mondial.