C’est sur d’anciennes friches de la SNCF, vestiges de la plus grande gare de marchandises de Paris de la deuxième moitié du XIXe siècle, que se trouve le siège social de Diot-Siaci. Dans l’écoquartier Clichy-Batignolles, le leader du conseil retraite pour les salariés occupe la majeure partie des sept étages de la moderne tour composée de baies vitrées et d’une vue imprenable sur le parc Martin Luther King, dans le XVIIe arrondissement de la capitale. “Tous les étages se ressemblent, c’est un vrai labyrinthe ici”, plaisante à moitié une employée en sortant d’un des ascenseurs de l’immeuble.
A l’heure où la réforme des retraites fait la une de l’actualité, la trentaine de consultants de la section “retraite” du cabinet, également installé à Lyon, avalent les heures de travail. “En ce moment, on reçoit beaucoup d’appels de gens inquiets, car on entend un peu tout et surtout n’importe quoi sur la réforme, regrette Adrien Barre, directeur de la section “emploi-transition retraite” au sein du cabinet leader du secteur, selon le classement de l’Argus de l’assurance. Les retraites, c’est un sujet de sachant et il n’est pas si simple de s’approprier cette matière.”
Avec son système de répartition, qui a vocation à prendre en compte tous les cas de figure pour les millions d’actifs ouvrant leurs droits à la retraite, le système français est particulièrement complexe. Et au sein des entreprises privées, environ 80% du portefeuille de Diot-Siaci, les réponses aux questions des salariés ne sont pas toujours connues par les services des ressources humaines. A ce moment-là, le cabinet intervient et propose ses services de bilan individualisé pour les salariés d’une entreprise. Ou bien un accompagnement dans toutes les démarches administratives de ces derniers avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), le service public en charge des retraites.
Des tarifs accessibles pour les cadres supérieurs
“Nous sommes un complément de service public, car la Cnav ne fait pas dans le conseil sur l’optimisation de votre retraite avec, par exemple, un rachat de trimestre, assume Adrien Barre. Les conseillers retraites de la Cnav sont souvent débordés et l’organisme pare aux cas les plus urgents.”
“On ne se sent pas en concurrence avec les cabinets privés, estime d’ailleurs Philippe Bainville qui assure la communication de la Cnav. La très grande majorité du public ne fait pas appel à ces cabinets. Les gens en difficultés vont se diriger vers les maisons France services. Les cabinets proposent de leur côté du placement, de l’optimisation fiscale, c’est un autre métier.”
L’open space du cabinet Diot-Siaci, dans le XVIIe arrondissement de Paris, le 1er mars 2023. Crédit : C-E.AK/Challenges
En effet avec le cabinet Diot-Siaci, il faut compter entre 600 et 800 euros pour un bilan individualisé avant un départ à la retraite pour une carrière nationale, et entre 1.500 à 2.000 euros pour un salarié avec une carrière internationale. En ce qui concerne le service de procuration qu’il propose pour faire toutes les démarches avec la Cnav et les différentes complémentaires, les tarifs sont compris entre 400 et 3.000 euros, “en fonction de la complexité des dossiers et ce qu’on nous demande de faire”, précise Adrien Barre. Depuis le début de l’année 2023, 175 accompagnements vers la retraite ont été réalisés par le cabinet. En 2021, il a réalisé un chiffre d’affaires 20 millions d’euros, selon l’Argus de l’assurance.
Ces sommes sont inabordables pour la plupart des entreprises. C’est la raison pour laquelle la majorité des clients du cabinet dans lequel travaille désormais l’ancienne ministre socialiste du Travail, Myriam El Khomri, sont principalement les sociétés du SBF 120, autrement dit les entreprises françaises les plus fortunées.
Le rachat de trimestres, ce service proposé par les entreprises
Ces dernières ont d’ailleurs de plus en plus recours à un accord collectif senior qui offre à leurs salariés en âge d’ouvrir leurs droits à la retraite la possibilité de leur racheter des trimestres de cotisation. Le but: que les salariés partent plus tôt. Cette mesure permet, selon ses défenseurs, de palier à l’usure au travail des salariés seniors… mais elle ne favorise pas leur employabilité. En France en 2022, selon un rapport de l’Unedic publié mercredi 1er mars, seuls 56% des salariés âgés de 55 à 64 ans étaient encore en poste. “Ces entreprises peuvent avoir besoin de réduire les effectifs dans certains services pour recruter dans d’autres secteurs ou pour accélérer la digitalisation”, justifie Adrien Barre face à ces chiffres.
Selon une étude du cabinet Diot-Siaci, les accords seniors au sein des entreprises ont été multipliés par 10 entre 2019 et 2022 pour désormais être mis en place dans 10% des 540 entreprises qui ont publié leurs accords collectifs. Une activité qui a permis au cabinet de traiter environ 8.000 dossiers l’année dernière. Mais ces rachats de trimestres, bien qu’ils offrent une déduction fiscale, se paient cher puisqu’il faut compter entre 4.000 et 6.500 euros pour un trimestre.
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“Cela représente une très faible part des départs à la retraite, tempère toutefois Philippe Bainville de la Cnav. Environ 50.000 personnes ont racheté des trimestres sur les 16 dernières années. Cela concerne surtout des hommes de 55 ans environ et cadres supérieurs.”
La réforme et le recul de l’âge de départ à la retraite à64 ans entraînera-t-elle une augmentation de l’activité pour le cabinet? Pas forcément, estime Adrien Barre, mais “nous avons une raison d’exister tant que la Cnav ne fera pas ce rôle de conseil.” Notamment sur des cas complexes. Virgil Morin, en charge de l’accompagnement retraite au sein du cabinet, évoque un cas en particulier qui l’a marqué, celui “d’un salarié qui a travaillé dans huit pays différents”. Inquiet, “il est venu nous voir en 2020 et nous allons l’accompagner jusqu’en 2027, date à laquelle il prendra sa retraite aux Etats-Unis.” Pour Virgil Morin, cet exemple montre que “quelle que soit la profession ou le niveau de revenus, l’âge de la retraite reste très anxiogène.”